Groupe Rissois d'Histoire Locale. Association "loi 1901"
27 Mai 2024
Dans la série d'articles sur la Révolution à Ris-Orangis nous avons largement évoqué la famille Mien.
Cette famille avait été très favorable au Seigneur de Ris Jacques Étienne Alexandre ANISSON DUPÉRON. Quelques années plus tard elle rejoint le parti des révolutionnaires, derrière le maire de Ris Rémy Guillaume RABY.
Nous avons parlé des aventures de leur fils Jean Baptiste. Aujourd'hui nous publions le récit qu'il en avait fait auprès d'un journaliste anglais à l'époque où il était encore prisonnier en Angleterre.
« Je m’appelle Jean Baptiste Mien, j’habite dans le village de Ris qu’on nommera plus tard « Brutus », puis Ris-Orangis.
Mon papa, Jean, est scieur de long (il coupe les arbres dans le sens de la longueur, pour faire des planches).
Maman, Anne Antoinette est sage-femme, c’est elle qui aide les futures mamans à avoir leur bébé.
En 1790, j’ai 12 ans.
Le roi Louis XVI a demandé à tous les habitants des villes et villages de France, d’élire un maire, qui aura pour fonction de gérer la commune, d’y assurer la paix et la sécurité. J’assiste souvent, avec maman, aux réunions des villageois organisées dans l’église. Mes parents sont des partisans de notre seigneur, Jacques Étienne Alexandre Dupéron et ils s’opposent au parti des notables (la plupart sont des commerçants ou des fermiers), qui veulent renverser le seigneur et le curé qui restent fidèles au roi.
Les habitants se sont divisés en deux camps ; ceux qui soutiennent le seigneur et ceux qui se sont rangés derrière les notables et qui veulent que leur sort s’améliore.
Je ne comprends pas toujours ce que les adultes disent mais je me souviens que durant les assemblées très mouvementées, les femmes interviennent souvent. Quel que soit le parti auquel elles appartiennent elles défendent les mêmes choses.
Elles se plaignent de la vie chère et aussi de la mauvaise qualité du pain qui est notre principale nourriture.
Nous les enfants nous n’allons pas à l’école parce que nous devons aller travailler dans les champs comme les adultes pour gagner quelques sous.
Il y a bien un instituteur mais il n’y a pas d’école alors comme il sait écrire, c’est lui qui note dans un grand cahier tout ce que les Rissois disent.
Le 11 janvier 1790, pour respecter la volonté du roi, les villageois doivent donc élire un maire. Il n’y a pas de liste avec les noms de ceux qui peuvent voter. Tous les citoyens de sexe masculin qui habitent la commune, qui sont majeurs (30 ans) et payent un impôt ont droit de voter ou d’être eux-mêmes élus. »
C'est le greffier, assis dans l'église qui rédige les cahiers de dolélances. Le maire contrôle les poids et mesures, et la qualité des produits vendus sur le marché.
« C’est Rémy Guillaume Raby, le charpentier, qui est élu.
Il ne sait pas bien écrire. Il a huit enfants et sa nouvelle charge de maire lui prend tout son temps, ce qui fait qu’il ne peut pas travailler et a du mal à nourrir ses enfants.
Dans les rues il y a souvent des bagarres, des cris, des injures entre les différents partis. Un jour le maire est attaqué dans une rue de Corbeil ; il doit se défendre avec son sabre mais ses agresseurs sont trop nombreux et, couvert de plaies et de bosses il doit se sauver sur son cheval pour revenir à Ris. »
Rémy Guillaume Raby le maire de Ris est agressé à Corbeil, rue Saint-Spire, par les partisans du seigneur.
« Anisson Dupéron voudrait que la paix revienne dans le village ; alors il organise une grande fête de réconciliation dans le parc de son château où il invite tous les villageois. Il fait monter de ses caves 2 grands tonneaux de vin. Après que tout le monde ait bien mangé, Anisson invite madame Raby à danser pendant que le maire reste allongé sur un banc, encore tout endolori des coups qu’il a reçu.
Pendant deux ans, le calme semble revenir dans notre village. Bien sûr il y a encore quelques conflits entre les deux partis, c’est surtout le curé qui pose des problèmes aux habitants. Il aime un peu trop le vin de Ris. Ce vin fait avec le raisin des vignes qui poussent sur le coteau entre la route royale et le Plateau. Nous les enfants on est pas contents de lui parce qu’il nous frappe pendant le catéchisme. »
Le curé de Ris, mal aimé des citoyens rissois pourtant très croyants. Il doit afficher à la porte de l'église sa fidélité au Roi et à la Nation.
« On dit que le roi a voulu s’enfuir et qu’il a été arrêté. Mes parents parlent souvent du procès de Louis XVI, car nous ne sommes pas loin de Paris et les colporteurs apportent vite les nouvelles dans les villages autour de la grande ville.
Pendant le mois de janvier 1793 mon père m’envoie à Paris avec une charrette chargée de tonneaux et tirée par un âne. Je sais que dans le double fond des tonneaux il y a du blé et que la loi en interdit le trafic.
Mon chemin dans Paris me conduit à une immense Place. Je n’ai jamais vu une place aussi grande ; on l’appelle la Place de la Révolution.
Quand j’arrive à cet endroit il est rempli de monde. Des gens qui crient « à mort Capet ». Capet c’est le vrai nom du roi Louis XVI. Comme je suis curieux j’arrête mon âne et cherche à voir ce qui se passe. Comme je suis petit je monte sur ma charrette et je vois venir au travers de la foule une autre charrette. Il y a un homme debout, vêtu d’une chemise blanche, des gardes armés entourent le convoi qui arrive auprès d’une machine bizarre.
Il y a deux poteaux avec dans le haut une lame métallique qui lance des reflets sous le pâle soleil de l’hiver. J’entends à nouveaux : - Capet, à la guillotine. On a vivement allongé l’homme sous la lame qui est brusquement tombée. Étant trop loin je n’ai pas pu voir ce qui s’était vraiment passé mais les gens autour de moi manifestaient une grande joie. »
« En rentrant à Ris, le lendemain, tout le monde savait que le roi était mort guillotiné ! ah mais c’est cela la machine que j’avais vu la veille ; et moi Jean Baptiste Mien j’avais été témoin de la mort du roi. J’ai dis que ma mère aimait se disputer avec les autres femmes, elle n’hésite pas non plus à affronter les hommes. Un jour elle a attaqué le poste de police avec une hache parce que son frère avait été arrêté. Malgré sa conduite c’est maman qui va à l’Assemblée nationale pour chanter un hymne pour la Paix le jour où notre village de Ris décide de s‘appeler Brutus. Brutus c’est un Romain mais je n’ai pas bien compris pourquoi on doit porter le nom d’un Romain. »
Les Rissois avaient été avertie par un colporteur. La mère de Jean Baptiste attaquant le poste de garde pour faire déliver son frère. et chantant un hymne à le paix devant l'Assemblée nationale réunie.
« Maman, toujours agressive est arrêtée en 1794 pour « écart de langage » et conduite dans une prison qu’on appelle « La Conciergerie ». Alors avec mon père Jean nous allons à Paris, quelque part vers la rue Saint-honoré pour voir un monsieur très important qui s’appelle Robespierre. Pendant que mon papa cherche à le convaincre de relâcher maman, le monsieur me caresse la tête en disant « pauvre enfant ! pauvre petit gars !. Maman a été relâchée et est revenu avec nous à la maison.
Il était gentil ce Monsieur Robespierre !!!
Hélas j’ai su plus tard qu’il n’était pas aussi gentil avec tout le monde. »
« J’ai grandi et maintenant je suis enrôlé dans les armées du général Bonaparte et en 1801, on va faire la guerre aux Anglais dans une île très loin qui s’appelle Saint-Domingue.
Là je suis fais prisonnier et les Anglais me ramène, avec d’autres Français, dans leur pays dans un village qui se nomme Leek. Tous les Français prisonniers sont regroupés dans un même quartier de ce village qu’on appellera par la suite « La petite France ».
Je me suis marié avec une jeune fille de ce village et mes descendants, qui porteront toujours le nom de « Mien », y vivront encore après moi. »
Mais l'Histoire ne s'arrête pas là....
Deux cents ans après le récit de Jean Baptiste, le Groupe Rissois d'Histoire Locale a pu, avec le concours de la Municipalité de Ris-Orangis, faire venir d'Angleterre, deux descendants du narrateur.
Ravi de se retrouver sur les lieux où naquit leur ancêtre ces deux garçons n'ont pas rechigné à participer à la reconstitution de la « fête civique et philosophique de Brutus ».
Tous les dessins de cet article sont de Jacqueline Clavreul, fidèle de l'atelier de dessin du club des retraités (sauf un dessin de Geneviève Schhwengler : La mère de Jean Baptiste devant l'Assemblée nationale).
A gauche les deux descendants de Jean Baptiste, avec bonnet phrygien et le maire de Ris (non costumé).
Catherine Régula directrice de l'école de théâtre de la MJC a écrit et fait jouer par ses élèves, une pièce racontant l'histoire de la Révolution à Ris (pas encoire devenue Ris-Orangis)
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